« Je m’appelle Léon et je suis né en 1940. Tout comme mes deux sœurs, Arlette et Sarah, je suis originaire de Belfort en France. En 1939, mon père s’est joint à une brigade juive de la Légion étrangère afin de combattre le régime nazi. En 1942, ma mère a été déportée à Auschwitz à bord des wagons à bestiaux du convoi no 6. On ne l’a jamais revue. La plupart des membres de ma famille – mes grands-parents, trois oncles, sept tantes et plusieurs cousins et cousines – ont été exterminés dans les camps d’Auschwitz et de Treblinka. En l’absence de mes parents, mes sœurs et moi avons été placés dans différents orphelinats administrés par l’Œuvre de secours aux enfants (OSE).
Lorsque notre père nous a récupérés à Lyon en 1945, j’ai pu revoir mes sœurs pour la première fois en trois ans. Mon père, qui gagnait sa vie comme marchand forain, était incapable de prendre soin de trois jeunes enfants. Il nous a donc confiés à un couple de catholiques vivant à la campagne.
Deux ans plus tard, mon père nous a placés à la Colonie scolaire, un orphelinat juif de la région parisienne administré par le Bund. J’y ai passé les meilleurs moments de ma jeunesse. Mes sœurs et moi sommes devenus très proches des quelque quarante enfants qui y vivaient. Nous sommes d’ailleurs tous restés en contact. Pendant mon séjour à la Colonie, j’ai pu renouer avec mon identité juive, notamment en y apprenant l’histoire et les fêtes juives. Chaque vendredi soir, nous célébrions le chabat.
Je suis arrivé au Canada en 1963, après avoir été démobilisé. C’est ici que j’ai rencontré ma femme, qui est née dans le camp de personnes déplacées de Bergen-Belsen. Nos trois filles nous ont donné quatre petits-enfants. Non, je n’ai rien oublié. »
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